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Luc avait toujours un problème à régler. Allait-il parvenir à faire disparaître toutes ses teintes irisées qui couraient sur son corps et lui donnaient l'apparence d'un feu follet multicolore. Peut-être que l'intelligence artificielle qui lui avait parlé dans son rêve, tandis qu'il s'était assoupi au bord de la Somme, lui avait bien donné le mode d'emploi. Luc avait hâte d'essayer. Il lui tardait vraiment de retrouver une apparence normale.

Il se blottit entre deux buissons et formula distinctement dans sa tête: "Je veux que la combinaison de lumière qui protège mon corps disparaisse." Sur l'instant, la combinaison exo-énergétique s'évanouit, mais immédiatement, Luc eut un autre problème à résoudre: il était nu..., comme un ver.

- Oh non ! Misère. Me voilà bien ! Que vais-je faire ? s'écria t-il. Et pourquoi mes habits ont disparu ?

Il jeta un coup d'oeil autour de lui. Malgré que son pouvoir n'était plus apparent, sa vue était toujours aussi perçante, par contre, à présent, il ressentait la fraîcheur de la nuit sur sa peau nue. Dans le terrain qui entourait un pavillon, il distingua du linge qui sèchait sur un fil. Oui, pas d'hésitation, il n'avait pas le choix. Comme il était fort tard, les rues du lotissement étaient déserte et les volets des pavillons étaient clos. Il se précipita vers l'habitation et sauta la petite haie de tuyas. Accroupi, il attendit quelques secondes afin de s'assurer que personne ne l'avait repéré ou qu'aucun chien n'allait donner l'alerte et, une fois rassuré, il s'approcha du linge étendu et l'inspecta. Il était encore un peu humide, mais ce n'était pas le plus gênant. Le plus gênant, c'était qu'il n'y avait que des vêtements féminins: un baggy un peu petit pour lui, un shorty rose tendre avec des petits coeurs rouges, le soutien-gorge assorti et un large pull-over beige en laine.

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"Tant pis", se dit Luc. "Faute de mieux, je vais devoir faire avec."

Il venait d'achever ses petites "emplettes" et s'apprêtait à partir avec le baggy, et le pull-over sous le bras lorsqu'un éclairage extérieur s'alluma. Gêné, confus, il se retrouva nez à nez avec une femme d'une quarantaine d'années, un sac poubelle à la main.

À la fois effrayée et offusquée par cette intrusion dans sa propriété, elle s'apprêtait à appeler à l'aide, mais devant l'attitude toute penaude de ce garçon, elle comprit bien vite qu'elle n'avait pas affaire à un voyou. Lorsque la femme le détailla des pieds à la tête, que son regard se posa au centre de sa personne et qu'un sourire ravi se dessina sur ses lèvres, le visage de Luc s'empourpra violemment, tandis qu'il cacha maladroitement son intimité. Elle trouvait ce tableau touchant; Luc le trouvait plutôt gênant.

Confus, il bredouilla:

- Excusez-moi, madame... Un pari... stupide... Je l'ai perdu... Vraiment, permettez-moi d'emprunter ces vêtements. Je vous les rendrais, je ne suis pas un voleur...

La femme n'avait plus peur du tout et s'amusait de plus en plus.

Alors que Luc s'éloignait avec le linge:

- Attendez ! je vais appeler ma fille. Ces habits ne m'appartiennent pas. C'est à elle qu'il faut le demander et vous êtes tout à fait charmant; je suis sûre qu'elle serait enchantée de faire votre connaissance.

Et lorsqu'elle cria: "Laure ! Laure ! Il y a quelqu'un pour toi !", et que le garçon sauta par dessus la haie et détala comme un lapin, elle ne put se retenir d'éclater de rire.

Une telle partie de rigolade valait bien la perte de quelques vêtements.

 

*     *

*

 

Pendant ce temps, dans la propriété du bord de Somme, les policiers avaient dénichés le Rapace et ce qui restait de sa petite troupe. Au moment de son interpellation, il entra dans une fureur folle et se débattit comme un beau diable. Mais sans son exosquelette, il n'était plus qu'un homme comme un autre et les forces de l'ordre le maîtrisèrent bien vite. Néanmoins, il fallut quelques bras pour le jeter dans le "panier à salade" où ses complices beaucoup plus dociles ne tardèrent pas à le rejoindre devant le regard ébahi des rares riverains qui, alertés par tout ce charivari, avaient mis le nez à la porte. Le coin était d'ordinaire si paisible...

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*     *

*

 

Arrivé devant la maison de ses parents, Luc fit jouer la poignée de porte. Comme il s'y attendait, elle était fermée à clef. À cette heure tardive, quoi de plus normal. Pourtant cette nuit, rien que cette nuit, il aurait bien aimé zapper les parents et les frangines; il n'avait vraiment pas envie de parler. Il serait sous le feu croisé des questions et..., que pourrait-il répondre ?

Sa résolution était prise: il ne parlerait pas. Il respira un grand coup et appuya sur la sonnette. Rien. Il insista et entendit un bruit de pas qui s'approchait. La voix de son père demanda au travers de la porte:

- Qui c'est ?

- Luc...

- Luc ? fit la voix incrédule. 

Deux tours de clef, un verrou que l'on tire et la porte s'ouvrit. la lumière de l'entrée dégoulina sur le trottoir, inondant un Luc pâlichon.

- Luc... C'est bien toi ? fit son père comme s'il se trouvait face à un fantôme. Était-ce bien son fils le gars devant lui qui était ainsi affublé dans un pantalon à la fois trop ample et trop court et avec un chandail dont les manches lui tombaient sur les mains ?

Sans répondre, Luc passa à côté de lui et prit directement la direction de sa chambre. Sidéré par cette attitude pour le moins étrange et cavalière, monsieur Delcourt se ressaisit et interpella son fils:

- Hé! fiston, tu es bien gentil, mais on s'est fait un sang d'encre nous ! On pensait que tu avais été victime de cet espèce de cataclysme qui a dévasté une partie d'Amiens ! On a imaginé le pire, alors tu pourrais au moins...

Madame Delcourt qui apparut en robe de chambre enlaça tendrement son fils au passage, le serra très fortement contre elle et les yeux brillant d'émotion:

- Laisse chéri... Plus tard. Notre Luc est rentré, c'est l'essentiel. Il nous dira plus tard... Le plus urgent, c'est de prévenir la police qu'il est rentré.

Luc s'arracha à l'étreinte de sa mère et s'engagea dans l'escalier d'où deux petites têtes émergèrent.

- Vôtre grand frère est rentré. Allez ouste les filles, couchées ! houspilla madame Delcourt.

Mais elles aussi avaient été très inquiètes et elles n'étaient pas décidées à retourner au lit sans avoir confié à leur grand frère leurs craintes et leur soulagement de le voir de retour.

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- Tu as vu Luc, s'exclama Chloé, sa petite soeur, c'était presque la fin du monde aujourd'hui ! Tu étais où ? Tu n'as pas eu trop peur ? Moi j'ai eu très peur... J'ai même pleuré, termina t-elle d'une toute petite voix.

La grande, Daphné, rétorqua:

- Il a rien vu... Sûre qu'il était avec une fille. D'ailleurs, s'esclaffa t-elle moqueuse, il lui a même piqué ses fringues !

Coquine, elle gloussa:

- Hé! Luc, si tu as ses petits dessous, je suis preneuse !

Agaçée par le comportement de ses filles, madame Delcourt se fit plus péremptoire:

- Suffit les filles ! J'ai dit au lit... Je ne me répèterai pas !

- De toute façon, râla la grande avant de regagner sa chambre, on ne peut jamais rien savoir dans cette maison !

Elle claqua la porte pour la rouvrir aussitôt et crier à l'intention de Luc:

- Au fait Frérot, contente de te voir de retour à la maison...

Puis elle termina d'une façon un peu abrupte:

- ... Mais ne nous refais jamais cela p'tit con !

La petite courut dans les bras de son frère toujours aussi étrangement absent pour lui déposer, dressée sur la pointe des pieds, un bisou sur la joue et lui glisser à l'oreille avant de rejoindre sa soeur:

-  Ne l'écoute pas... Je t'aime grand frère. Si j'ai pleuré, c'est surtout parce que j'ai eu peur de ne plus jamais te revoir. Je te promets de ne plus jamais te taquiner.

Luc écoutait, ou plutôt, impassible, laissait glisser sur lui toutes ces observations sans y prêter la moindre attention. Dans sa tête, il était loin, très loin, dans un gigantesque vaisseau qui voguait dans l'espace et où une intelligence artificielle du nom de Mémorex s'entretenait avec lui et lui conseillait d'abandonner Le Pouvoir: ce pouvoir qui avait rendu sa journée si trépidante, angoissante, périlleuse et cependant... si passionnante. 

Les filles couchées et monsieur Delcourt qui s'était fait une raison, plus personne ne lui posa de question. Et comme à cet instant précis Luc ne demandait qu'une seule chose: qu'on ne lui demande rien, il était comblé au-delà de ses espérances. Il gagna sa chambre et referma la porte sur lui, laissant ses parents soulagés mais profondément perplexes.

- Ne nous posons pas trop de questions chéri. Luc est rentré, même s'il semble très perturbé, il est rentré... C'est le principal. Pour le reste on verra demain, conclut madame Delcourt, une larme glissant le long de ses joues.

Monsieur Delcourt serra sa femme tendrement contre lui:

- Ça va aller mon amour..., ça va aller. Luc a été bien secoué ces derniers temps. Il va s'en remettre. Il a surtout besoin de repos... De beaucoup de repos. Nous aussi. 

Toutes les lumières s'éteignirent et le silence régna de nouveau dans la maisonnée. 

À la fenêtre, dans la pénombre de sa chambre, seul Luc était encore debout, les yeux perdus dans les étoiles.

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FIN

Tag(s) : #Stars Knights Legend Époque 1 LE COMMENCEMENT
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