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Depuis un peu plus de trois semaines, les forces de l'ordre étaient sur les dents à cause d'une bande de malfaiteurs redoutable et particulièrement bien organisée qui écumait les banques et les bijouteries de la Picardie. L'impuissance des forces de l'ordre pour l'appréhender commençait à faire des remous en haut lieu et le préfet de région avait demandé à l'état d'envoyer des renforts. Ce qui fut fait sans apporter plus d'efficacité.

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Mais il faut reconnaître que les forces de l'ordre avaient des circonstances atténuantes tant les moyens utilisés par les malfrats étaient considérables et exceptionnels: chaque membre de la bande était équipé d'un mini-réacteur de conception tout à fait révolutionnaire qui lui permettait de voler sur quelques centaines de mètres et armé d'un pistolet-mitrailleur de faible encombrement; Et pour couronner le tout, leur chef était muni d'un exosquelette pare-balle qui lui conférait une force hors du commun, ainsi que l'attestèrent les quelques policiers et gendarmes qui avaient tenté de se mesurer à lui. Certains passèrent près de la mort et presque tous durent faire un passage forcé par la case hôpital.

Ces redoutables gangsters frappaient toujours là où on les attendaient le moins et toujours aux heures de pointes de façon à réduire au maximum les capacités d'intervention des forces de l'ordre: ils pouvaient se fondre dans la foule, l'utiliser comme bouclier ou y puiser des otages.

 

 

*     *

*

 

Après une petite semaine d'hospitalisation, Luc quittait enfin l'hôpital. Il avait décliné l'offre de ses parents qui s'étaient proposés de venir le chercher. Encore très perturbé psychologiquement, il avait besoin de faire le point. Comme ses maigres effets personnels tenaient dans un sac de sport, pour se changer les idées, il décida de traîner en ville.

Luc quitta le boulevard Faidherbe où la pollution automobile, les coups de klaxons et les freinages stridents commençaient à le saoûler. "Vite! la voie piétonne". S'engageant rue Jean Catelas, il déboucha bientôt place de l'Hôtel de Ville et se noya dans la masse humaine mouvante, devenant à son tour un quidam parmi tant d'autres condamné à suivre le tempo imposé.

Photos Amiens (9) place Gambetta. Luc flâne après sortie

Luc s'arrêta place Gambetta et s'acheta une gauffre à un marchand ambulant et continua de flâner devant les vitrines de la rue des Trois-Cailloux. Mais alors qu'il passait devant la LCL marchant en direction de la Place René Goblet, plusieurs hommes masqués, armés et étrangement harnachés jaillirent de l'établissement financier. Le pauvre Luc n'eut pas le temps d'esquisser le moindre geste que la horde sauvage était sur lui. Il fut balloté comme un fétu de paille et se retrouva le nez dans la poussière.

Il y avait six hommes dont quatre chargés de lourds sacs de toile rude étaient couverts dans leur fuite par les deux autres, le pistolet-mitrailleur menaçant, sous le regard incrédule des passants interloqués. Un septième homme apparut sur le perron de la LCL. Il aboya les dernières menaces à l'intention des employés et des clients qui se trouvaient à l'intérieur et rejoignit ses hommes. Il ne faisait aucun doute que c'était le chef.

Photos Amiens (13) rue des Trois-Cailloux - fond, place Ren

Happé par la tourmente, Luc n'avait pas vraiment le temps de réaliser ce qui se passait, mais lorsqu'une voiture de police surgit dans la rue des Trois-Cailloux, appelée pour un vol avec violence dans un commerce, et fut pris sous le feu des gangsters qui se crurent menacés, ce fut la panique générale, chacun tâchant de sauver sa peau ou celle de ses proches; Luc, de son côté rampa pour se mettre à l'abri entre deux fourgonnettes d'artisans qui rénovaient une boutique à proximité de la LCL; heureusement qu'elles se trouvaient dans la rue piétonne celles-là.

Sous la violence de la mitraille, toutes les glaces de la voiture de police explosèrent, le chauffeur en perdit le contrôle et le véhicule fou poursuivit sa course, les piétons s'esquivant comme ils le pouvaient, course qu'il termina brutalement contre un véhicule qui circulait sur la Place René Goblet en direction de la rue Victor Hugo. Surpris, les automobilistes qui suivaient ne purent éviter la collision et un vaste carambolage s'ensuivit paralysant complètement la circulation automobile dans le secteur.

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Si par miracle les policiers s'en étaient sortis indemnes, il y avait des automobilistes qui étaient sérieusement blessés et l'on entendait leurs gémissements et appels au secours.

Celui qui paraissait être le chef des gangsters demanda:

- Tout le monde est là ?

La réponse fut positive.

- Alors on s'arrache, vite. 

Mais alors qu'ils s'élevaient, survint une autre voiture de police. L'occasion était trop belle et après les sommations d'usage les fonctionnaires ouvrirent le feu sur les fuyards. Appliqués à contrôler leur vol, ceux-ci ripostèrent comme ils purent, et leurs tirs manquant de précision ce qui devait arriver arriva: une jeune maman qui fuyait la scène de violence avec son bambin de trois ou quatre ans fut fauchée par une balle en plein ventre. Elle émit juste un petit cri avant de s'effondrer sans connaissance aux pieds de son enfant en pleurs, à dix mètres de l'endroit où se trouvait Luc tétanisé.

Horrifié, le jeune garçon ne pouvait détacher ses yeux de cette femme dont le corps était secoué de spasmes nerveux ou douloureux, tandis que la tache rouge au niveau de son abdomen s'élargissait d'une façon inquiétante. Allait-elle mourir là, devant ses yeux, à dix pas de lui ? L'était-elle déjà... morte ? Il avait entendu dire que parfois après le décès le système nerveux envoyait encore des impulsions. Il aurait voulu... Il aurait voulu... Mais que pouvait-il faire, sinon rester tapi entre ces deux voitures !? Cette scène tragique semblait avoir réveillé de vieux fantômes enfouis au plus profond de son être et, au-delà de la peur, Luc avait compris, malgré que c'était tout à fait légitime que dans une telle situation il n'intervienne pas, que ce n'était pas de la lâcheté, il avait compris qu'il aurait du mal à s'en remettre.

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L'un des malfrats fut touché par les tirs des policiers et un ordre fusa:

- Nous sommes des cibles trop faciles ! On se pose et on se replie dans la banque. 

S'adressant au blessé: 

- Ça va aller ?

- Ouais... C'est juste une égratignure.

Une fois les braqueurs posés au sol, les tirs cessèrent. Inutile de mettre en danger la vie de citoyens innocents.

Les policiers profitèrent de cette acalmie pour tenter de se porter au secours des automobilistes blessés, ainsi que de la jeune femme. Pour les automobilistes, cela put se faire dans de relativement bonnes conditions, mais dès que l'un des policiers s'exposa en direction de la jeune femme à l'enfant, les tirs reprirent.

Le fonctionnaire de police n'eut que le temps de se jeter au sol et de ramper contre un mur pour se mettre hors de portée avant de crier:

- Oh! Halte au feu !  Je veux juste porter secours à cette femme ! Elle a l'air salement touchée ! Si on ne fait rien, elle va mourir ! 

Une voix brailla:

- Fallait pas jouer aux cons ! Le premier qui se montre..., on le dézingue !

- C'est criminel, vous ne pouvez pas la laisser mourir comme ça ! 

- Il ne fallait pas nous prendre pour cible ! C'est vous qui êtes responsables de tout ça ! Assumez, maintenant !

- Je vous le demande encore une fois, laissez-moi voir cette femme et mettre son enfant à l'abri ! Je vais sortir les mains en l'air et...

- Tu fais comme tu veux ! répliqua le bandit avec détermination. C'est toi qui vois ! Seulement, montre le bout de ton nez..., et le gamin rejoindra sa génitrice ! Il y en a toujours qui se trouvent là où il ne faut pas...! Tant pis ! On ne fait pas d'omelette sans casser des oeufs après tout !

- J'y vais ! Vous n'oserez pas tirer sur un gamin et un homme désarmé !

Le policier avança, les mains en l'air, bien en évidence, il avait tombé la veste pour bien montrer qu'il n'avait pas d'arme et..., et une rafale partit dans sa direction et une autre dans celle de l'enfant agenouillé auprès de sa mère mourante.

- Merde ! hurla le policier. Ils m'ont eu, je suis touché aux jambes ! Et le gamin... Il..., il est...

Voulaient-ils le tuer ou pas ? Toujours est-il que..., l'enfant était...

- Indemne... Il est indemne ! le rassura un de ses collègues. Et toi ?

- J'ai connu des jours meilleurs mais ça devrait aller ! Je m'inquiète vraiment pour la mère !

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Lorsque les balles avaient sifflées autour de l'enfant terrorisé, sans défense, accroché désespérément au corps de sa mère ensanglanté, le sentiment d'impuissance qui avait envahi Luc lui était vite devenu insupportable et une vague intense d'émotions confuses l'avait submergé. Il avait commencé à se sentir tout drôle, un peu comme si quelque chose en lui, dans son métabolisme, doucement, avait entamé une transformation. D'abord, cela avait été comme un vague fourmillement au creux de l'estomac qui s'était étendu bientôt à l'ensemble de son corps en même temps qu'il avait gagné en intensité. 

La gorge serrée, les mains moites et le coeur battant, à présent, c'était pour lui qu'il avait peur, tandis qu'au même moment, au dessus de la ville le ciel commençait à s'obscurcir sans que, pour l'instant, personne n'y prête attention.  

Après un bref silence, le chef des malfrats annonça la couleur:

- Je suis le Rapace, le chef du commando des Aigles..., et j'entends à être obéi en tous points et sur-le-champ. Un petit moment d'égarement... La prochaine fois, le mioche, on ne le loupera pas...

" Je me doutais bien qu'on avait affaire à vous, bande d'assassins", pensa le policier blessé tout en comprimant sa plaie pour juguler son hémorragie.

- ... À partir de maintenant, c'est moi qui vais poser les conditions, décider ce que chacun ici va faire ! Sinon..., sinon tout va se finir dans un bain de sang ! C'est bien compris ?

- D'accord ! répondit le chef de patrouille. Qu'est-ce que vous proposez ? Quelles sont vos exigences ? 

- Elles vont venir, te bile pas !

Le fonctionnaire de police compris que la situation était bloquée et s'il continua à parlementer ce fut juste pour ne pas rompre le lien qui s'était établi, en attendant que les renforts et le SAMU arrivent.

Un concert de sirènes ne tarda pas à annoncer leur arrivée.

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Il n'était plus question pour le commando des Aigles de fuir par la voie des airs, du moins, pas dans ces conditions, il serait bien trop vulnérable, d'autant que seul le Rapace bénéficiait d'une protection pare-balles globale. En même temps, il était conscient que la banque allait bientôt être assiégée et qu'ils ne pourraient pas, lui et ses hommes, tenir indéfiniment. Il leur fallait quitter cet endroit au plus vite. Il savait que les policiers feraient traîner les choses et le pourrissement de la situation ne pourrait que leur nuire.

Un véhicule de police déboula de l"autre côté de la rue des Trois-Cailloux et fit écran entre la jeune maman blessée et l'enfant. Les médecins du SAMU se précipitèrent alors pour dispenser les premiers soins à la jeune femme tandis que son enfant était conduit en lieu sûr. Le commando des Aigles n'avait pas fait usage de ses armes, il devait économiser ses munitions. Mais le Rapace fit part de son mécontentement et avertit:

- Fini les embrouilles, on a plus d'otages qu'il nous en faut ! Alors, si vous ne voulez pas que tout se termine dans un bain de sang...

Le commissaire de police qui venait d'arriver prit le relai de son subalterne:

- Je suis le commissaire de police Lebiloute ! Soyez raisonnables, rendez-vous ! Vous êtes cernés ! Vous n'avez plus d'échappatoire !

- Vous voulez vraiment qu'on exécute un otage tout de suite pour vous prouver qu'on ne plaisante pas ? N'hésitez pas, demandez, vous serez servi ! 

- C'est bon ! C'est bon ! On va discuter !

- Non ! Les bavardages me fatiguent et sont inutiles. Je sais que vous n'avez qu'un but: gagner du temps ! Nous on n'en a pas à perdre..., du temps ! Alors, si vous voulez vraiment éviter une boucherie..., vous allez écouter mes conditions et les satisfaire sans discuter !

Malgré tout, le commissaire fit une nouvelle tentative: 

- Réfléchissez avant de faire le mauvais choix ! Il n'y a pas eu de mort..., que des blessés ! Si vous vous rendez tout de suite, le juge en tiendra compte et votre peine sera minorée !

- Attendez ! répondit le Rapace. Je vous envoie ma réponse.

Il se tourna vers les clients et les employés de la banque qui tous face contre terre, paume des mains tournée vers le haut, attendaient avec appréhension tenus en joue par deux des membres du commando. Il tapa sur l'épaule d'un des clients, un homme d'une trentaine d'année à l'allure athlétique et lui demanda:

- Tu sais marcher à cloche-pied toi ?

- Je... Je... je crois... pou... pourquoi ?

- T'en es sûr ou pas ? Va jusqu'à l"autre guichet et reviens !

Comme l'homme redoutait un coup tordu, il hésita. 

L'ordre péremptoire claqua à nouveau et il s'exécuta fébrilement, mais en marchant normalement.

- À cloche-pied, j'ai dit ! Imbécile ! Tu ne comprends pas le français !

L'homme sauta sur un pied, l'estomac noué par la peur et se sentant affreusement ridicule. Mais parmi les otages, personne n'avait envie de rire, ni même de sourire. C'était le même sentiment d'angoisse qui prévalait pour chacun.

- Ça suffit !

L'homme s'immobilisa et attendit, la respiration suspendue.

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Le Rapace désigna une jeune employée stagiaire d'une vingtaine d'années et lui ordonna de s'approcher. La jeune fille se redressa et un instant sentit ses jambes se dérober sous elle, mais elle se ressaisit et finalement, d'un pas hésitant elle avança vers le Rapace. 

- Tu as de la chance, toi, en général ?

Elle hoqueta:

- Je... pour... quoi...? Je... je ne sais...pas...

- Parce que tu m'as tapé dans l'oeil ! Ce n'était pas la peine de te faire toute petite comme une gamine qui n'a pas appris sa leçon et qui a peur de se faire interroger par la maîtresse. Tu as gagné le gros lot ! Donne-moi une pièce d'identité avec ta jolie frimousse dessus !

- Je... mes... mes papiers sont dans mon sac à main.

- Naturellement, il est au vestiaire... C'EST ÇA ?

Le "c'est ça" claqua avec une telle violence que la jeune fille sursauta. Et elle répondit dans un souffle:

- Oui...

- Et bien on va aller la chercher tous les deux, en amoureux, cette pièce d'identité. Allez, bouge ton petit cul ! Notre ami le commissaire va s'impatienter et notre champion du saut sur un pied va nous faire une crise d'apoplexie.

Il revint bientôt en trainant brutalement la jeune fille par le bras. Il plongea son regard dans ses yeux émeraudes, un regard emplit d'une telle perversité qu'elle ne put le soutenir, tout en caressant de la main la crosse d'un revolver accroché à la taille dans son holster.

- Tu ne m'en voudras pas, si je fais un petit trou, ici, fit-il en tapotant son front du bout de l'index.

La malheureuse blêmit et eut un mouvement de recul.

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- Noooon..., sur la photo..., pour l'instant, avec un stylo, mais s'il s'avère nécessaire de passer du virtuel au réel, ce ne sera pas sur une photo, ni avec un stylo, précisa le Rapace d'un ton qui ne laissa pas planer le moindre doute sur ses intentions s'il n'obtenait pas entière satisfaction, tout en caressant de nouveau son arme de poing.

Il éclata d'un rire sarcastique, recula de quelques pas et toisa son "jouet" des pieds à la tête. La jeune fille, elle, ne quittait pas ses pieds du regard, tandis que ses yeux commençaient à s'embuer.

- Tu sais que tu es ravissante dans cette petite jupe ? Ouais, ravissante... À part que moi...

Il se rapprocha de la fille et ajouta en faisant mine de remonter le vêtement:

- ... je l'aurais préféré plus courte. Pourquoi cacher de si jolies jambes ?

- NON ! s'écria la jeune fille. 

Elle puisa même aux tréfonds de son être le courage de repousser les mains qui retroussaient sa jupe, s'attendant à ce que cet acte de rébellion soit suivi d'un châtiment immédiat.

Il lui répondit simplement d'un ton ironique:

- Tu as raison mon amour. Ce n'est ni le lieu ni le moment. Et nous avons encore un programme bien chargé.

Puis il l'expédia avec rudesse dans les bras de l'un de ses comparses en lui recommandant: 

- Veille bien sur mon petit lot et... tâche qu'il ne fasse pas de bêtises. Ce serait..., dommage.

Puis il exhiba la pièce d'identité de la jeune stagiaire devant le nez de son autre souffre-douleur et lui dit: 

- Maintenant que tu m'as démontré que tu te débrouillais plutôt bien avec une seule jambe...

Il arma la détente de son revolver devant les otages effarés et au grand désarroi de l'homme continua:

-... et bien je vais te priver de l'usage d'une de tes jambes et tu vas me faire le grand plaisir de porter la pièce d'identité que cette charmante personne a bien voulu me fournir, à notre ami le commissaire, en guise de message.

Il pointa Ie canon du revolver sur la jambe de l'homme devenu livide. Avant que le coup ne parte et de s'écrouler au sol, plié de douleur, il eut juste le temps de crier: 

- NOOON !

Au dehors, un vent d'inquiétude souffla.

- C'est le commissaire Lebiloute ! C'était quoi ce coup de feu ? Oh ! Répondez !  

Dans la banque, la Rapace, sarcastique:

- Ils commencent à s'impatienter dehors et je crois qu'ils ont eu une petite suée.Allez mon gars, il est temps de porter mon message. Et tu es un veinard toi. Tu n'es vraiment pas à plaindre. Quand tu te seras acquitté de ce petit service... Et bien tu seras libre. C'est qu'un mauvais moment à passer et le plus dur est fait. Je suis sûr qu'il y en a ici qui t'envient. Allez ! Sinon je m'occupe de ta deuxième jambe.

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L'homme serra les dents et sautilla comme il put. Sur le perron il cria:

- Ne tirez pas ! Ne tirez pas ! Je suis l'un des otages !

Il voulut repartir à cloche-pied, mais les forces lui manquèrent et il dégringola les marches. Le visage déformé par la souffrance, poussant de petits râles parfois au bord de la syncope, de plus en plus faible à cause du sang qu'il perdait, il rampa jusqu'à la voiture des policiers qui avait servi de bouclier pour soigner la jeune femme à l'enfant et bégaya en tendant la pièce d'identité de la jeune employée au fonctionnaire qui l'accueillit:

- Il... Il m'a dit... de  remettre ceci... au commissaire...

- Je vais lui faire parvenir tout de suite.

En attendant que les secours puissent intervenir, un de ses collègues comprima la blessure pour stopper l'hémorragie.

Le commissaire qui donnait ses ordres pour que les journalistes qui commençaient à affluer soient tenus à l'écart se retourna et se saisit de la pièce d'identité que lui tendait le policier sans comprendre le sens du message. L'identité de cette fille ne lui disait rien et il avait beau tourner et retourner le document dans tous les sens, il n'y avait rien d'autre d'inscrit, aucun autre indice qui eut pu le renseigner.

- Zut ! dit-il. Ce foutu salopard se fout de notre gueule. Et il nous met la pression en plus. J'ai vraiment l'impression qu'on est tombé sur un fondu de la pire espèce. Elle est pas gagnée cette histoire là. 

Se tournant vers son subalterne: 

- Des nouvelles du GIPN ?

- Il est en route monsieur le commissaire.  

- Qu'il fasse vite. Quelque chose me dit que le temps va nous être compté.

- Et on nous annonce la gendarmerie en renfort. De même que l'arrivée imminente du préfet.

- La gendarmerie ! Manquait plus que ça, bougonna le commissaire. Décidément, un malheur n'arrive jamais seul.

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S'emparant d'un porte-voix:

- Ici le commissaire Lebiloute. Excusez mon ignorance, mais que signifie cette pièce d'identité que vous m'avez faite parvenir ?

- Ah ! lui répondit la voix du Rapace, je constate avec plaisir que mon messager, un messager original vous en conviendrez, a bien rempli sa mission ! Quel est le sens de mon message ? Oh ! rien de bien grave ! C'est un message subliminal en fait ! Vous savez, ce genre de message qui contient un détail si discret qu'on ne le remarque jamais au premier coup d'oeil ! Sur la photo de la fille, vous n'avez pas remarqué le petit trou qu'il y a sur son front ? Non, ce n'est pas un grain de beauté ! Quoiqu'elle en soit digne... Elle est tout a fait ravissante ! Mais non, Je voulais juste que vous puissiez mettre un visage sur le premier otage que je ferais exécuter si toutes mes exigences ne sont pas satisfaites. Ce serait dommage... Elle est si belle, si douce, si jeune ! Encore une enfant finalement, commissaire... N'est-ce pas mieux ainsi ? PAN ! Et tout de suite vous aurez un visage à associer à ce PAN !

Il y eut un bruit de mouvement derrière le Rapace. Il se retourna.

Tout en soutenant sa prisonnière, son geôlier s'écria:

- Hé ! elle nous fait un malaise !

Quelques baffes bien appliquées par le Rapace en personne et la jeune fille reprit ses esprits, hagarde.

- Il ne faut pas le prendre comme ça, ma belle, dit-il d'un ton presque compatissant mais au final, cruel. Moi, je ne te veux pas de mal, je ne suis pas méchant. C'est ce vilain commissaire qui veut te tuer. Même si tu meurs par ma main, c'est le commissaire qui t'aura tuée.

- Vous êtes un monstre ! s'écria une femme d'un certain âge.

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Le Rapace s'approcha d'elle, l'air mauvais, lui enfonça le canon du revolver dans la bouche et éructa:

- Qu'est-ce qu'il y a la vieille ? T'es sa mère ? Non ? Tu veux mourir tout de suite ? Non plus ? Alors fais-toi oublier ! Les actes de bravoure ont le don de m'agaçer et alors je deviens méchant ! 

Il lui envoya un bon coup dans l'estomac et tourna les talons tandis que la pauvre femme pliée en deux tentait de reprendre son souffle. 

Il lança à la cantonade: 

- Alors, il y a d'autres héros ? 

Pour toute réponse il n'eut qu'un silence pesant entrecoupé de quelques sanglots. 

- À la bonne heure !

Dehors, tous attendaient que le Rapace fasse connaître ses exigences. Elles ne tardèrent pas à arriver:

- J'ai déposé à l'intérieur de la banque plusieurs dispositifs explosifs que je peux commander à distance ! À côté de chaque explosif, nous avons ligoté des otages ! Nous allons sortir, mais comme deux garanties valent mieux qu'une, nous allons emmener un otage avec nous ! Je crois vous avoir démontrer que le bluffe ne fait pas partie de nos habitudes. Je tiens donc à vous avertir qu'à la moindre tentative d'interception, je n'hésiterai pas à déclencher les explosifs disséminés dans la banque et à sacrifier les otages. Je ne doute pas que vous attendiez des unités d'élites. Lorsqu'elles arriveront, ou nous seront loin, ou l'endroit sera jonché de cadavres. Il n'y aura pas d'autre alternative.

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Entre les deux voitures, Luc avaient l'impresssion que les sensations étranges qui l'avaient étreint refluaient. " Pourvu que tout s'arrête une bonne fois pour toutes", se dit-il. " Décidément, j'aurai mieux fait d'accepter la proposition des parents et de rentrer avec eux en voiture."

Lorsque le préfet arriva, il demanda tout de suite au commissaire si les choses avaient évolué. Ce dernier lui résuma succinctement la situation.

- Il faut absolument gagner encore un peu de temps, insista le préfet. Madame la ministre de l'intérieur qui souhaite être informée en permanence de l'évolution de la situation serait fort déçue si nous ne parvenions pas à les interpeller. Nous avons d'abord pensé envoyer le GIPN, mais finalement, nous avons dépêché le RAID. De retour d'une mission sur Péronne, un hélicoptère va les déposer d'une minute à l'autre.

- Je veux bien essayer de gagner du temps, mais sauf le respect que je vous dois et que je dois à mon ministre de tutelle, Monsieur le préfet, ils en ont de bonnes en haut lieu... Ces gars sont des tueurs, ils n'en ont rien à battre des vies humaines. S'ils décident de partir d'une façon imminente, ce qu'ils vont faire d'ailleurs... Qu'est-ce qu'on fait ? On fait ça à la russe ? On intervient, et tant pis pour les otages ?

- Non, bien sûr, répondit le préfet un peu vexé par le ton cavalier du commissaire. Je me renseigne auprès de madame la ministre de l'intérieur. 

Pendant ce temps, à l'intérieur de l'établissement financier le Rapace préparait méticuleusement la sortie de son commando qui s'annonçait somme toute périlleuse. Après avoir étudié tous les otages, pesé le pour et le contre, pris tous les paramètres en compte, il jeta de nouveau son dévolu sur la malheureuse employée stagiaire. 

- Décidément, tu as toutes les chances toi. On ne se quitte plus. Comme tu es la plus menue de tous les otages, mon ange, tu demeures le meilleur choix. Il y a peu, c'était la journée de la femme... Et bien, mille excuses pour le retard, mais voilà ton petit cadeau: un baptême de l'air... Alors, heureuse ? Des angoisses ? Mais ne t'inquiète pas, si la "DCA" se tient tranquille, tout devrait bien se passer. Sinon, évidemment, je ne peux rien garantir...

Secouée par des sanglots, elle écoutait, soumise.

Au poste de commandement des opérations:

- Alors, Monsieur le préfet, quels sont les ordres ?

- Madame la ministre est en communication avec le Président de la République. Je n'ai pu l'avoir. J'essaye à nouveau.

- Trop tard Monsieur le préfet. Ça bouge là-bas. Je vais vous dire ce que l'on va faire. Comme ils sont sacrément déterminés, ces bougres de salopards, on les laisse filer, mais sans les perdre de vue. J'ai des hommes en civil qui quadrillent le secteur. Les démineurs vont arriver. On sécurise la banque et on essaye de les coincer plus loin. Et si d'ici là le Raid arrive, leur coup de main sera le bienvenu, voire déterminant.

Le départ du commando des Aigles était imminent et le Rapace donna ses dernières recommandations à ses hommes, attribua son rôle à chacun, régla les dernier détails cruciaux pour optimiser les chances de réussite de leur fuite et lança les dernières menaces à l'intention des otages qu'il avait fait ligoter et bâillonner avec leurs propres effets personnels. 

Comme lui seul bénéficiait d'une protection pare-balles, le Rapace décida de partir en dernier. Il annonça à l'intention du commissaire Lebiloute:

- Mes hommes vont partir en premier ! L'un d'eux aura l'otage avec lui. Je lui ai donné l'ordre de mettre fin à ses jours sur le champ si quoi que ce soit était tenté contre eux. Moi, je partirai quand j'estimerai qu'ils seront suffisamment loin et en sécurité ! Ah ! Oui ! Un dernier mot ! C'est moi qui ai le boitier qui commande les explosifs qui se trouvent dans la banque ! S'il devait arriver quelque chose de fâcheux à mes hommes ou à moi-même...: BOOM !  Si tout se passe au mieux, les otages s'en sortiront sans bobo ! dans le cas contraire, mon petit capital assurance vie ne me sera plus d'aucune utilité ! Alors...! Je ne vous fais pas de dessin, commissaire...! 

- OK ! répondit le commissaire. On vous laisse le champ libre ! Mais de notre côté, qu'est-ce qui nous garanti que vous ne ferez pas sauter la banque, que tous les otages auront la vie sauve, que vous relâcherez ensuite celui que vous allez emmener avec vous !

- Rien, mais vous n'avez pas le choix ! Et puis vous me décevez, commissaire, je pensais qu'un climat de franche confiance s'était instauré entre nous, que ma parole suffirait !

Puis se retournant vers ses hommes:

- Il est temps d'y aller les gars. 

S'adressant à celui qui avait été légèrement blessé:

- Ta blessure ?

- Vraiment superficiel. Ça picote un peu, c'est tout... Elle ne devrait pas trop m'handicaper.

- Tant mieux. 

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Puis il s'approcha de la fille terrifiée, et maintenant que le moment fatidique approchait, lorsqu'il s'en saisit, ce ne fut plus la même chanson que lorsqu'il lui avait annoncé qu'elle ferait parti du voyage. Elle se débattit vigoureusement en hurlant au milieu de ses larmes:

- NOOOOOOON...! Je ne veux pas...! Je ne veux pas...! Je vous en supplie... Pitié... J'ai peur...

Sur le coup, le Rapace n'eut plus envie de rigoler. Il empoigna la pauvre stagiaire par le col, lui administra une paire de gifles magistrales qui fit valdinguer sa petite tête de droite et de gauche. Puis il approcha son visage si près du sien qu'elle sentit son haleine et lui dit d'un ton sévère:

- Tu vois mon pote, là. C'est lui qui va avoir la charge de trimbaler ton petit cul... Et mon pote, il a pas envie de se casser la gueule parce que tu vas lui faire un petit caca nerveux... Et mets-toi bien dans ta petite tête de piaf que si mon pote tombe..., tu tombes aussi... Donc t'es morte... Alors, un bon conseil, t'as intérêt à être bien sage.

Résignée, les yeux et les joues rouges, toute tremblottante, elle secoua vivement la tête en signe d'acquiescement. Elle continua simplement à sangloter doucement pour elle même:

- Ô mon Dieu..., Ô mon Dieu...

Avant de la pousser brutalement dans les bras de son porteur, le Rapace lui aboya à la figure:

- La Ferme ! Même ton Dieu ne peut plus rien pour toi à présent !                     

Elle fut harnachée comme pour un tandem en parachute, mais en cas de besoin, pour se débarasser de son encombrante passagère, l'homme n'avait qu'un mousqueton à ouvrir.

Et le signal du départ fut donné. Le groupe de gangsters sortit sur le perron et s'élança. En voyant le sol s'éloigner, l'otage céda à la panique et poussa un hurlement de terreur pitoyable. Elle reçut en retour un violent coup sur la tête qui n'échappa pas au commissaire. Elle émit une petite plainte et un peu groggy, elle cessa de s'agiter

Complètement impuissant, le commissaire rageait intérieurement. Il fit transmettre la nouvelle à toutes ses équipes au sol et leur demanda la plus grande attention, mais de ne rien tenter tant que l'otage n'était pas hors de danger puis il exprima sa façon de penser au Rapace.

- Oh ! dans la banque ! On a dit pas de violence ! Y faudrait demander à votre complice de se calmer ! Il vient de foutre une mandale d'une violence..., à la jeune fille que vous avez enlevée. Si elle est pas dans les pommes... Vous avez envie de la tuer ou quoi ? Je vous préviens, si jamais il lui arrive quoi que ce soit...

Le Rapace l'interrompit et rétorqua:

- Qu'est-ce qu'il ya pauvre lope ? Tu crois que tes menaces m'impressionnent ? Tu n'as pas encore compris que c'est toi qui es à ma pogne ? Tu veux que je fume un otage, rien qu'un pour te montrer qui a toutes les cartes en main ?

- C'est bon, c'est bon ! répondit le commissaire furieux en bougonnant un chapelet de noms d'oiseaux entre ses dents.

Lorsque la jeune stagiaire avait poussé son hurlement de détresse, Luc qui pensait que les choses étaient redevenues normales en lui, avait été saisi des pieds à la tête d'une contraction si violente, si douloureuse qu'il avait failli en perdre connaissance. Il avait eu l'impression que tous ses os s'étaient brisés d'un coup. Sur l'instant, le ciel s'était habillé à nouveau d'un voile sombre qui commençait à crépiter doucement, comme s'il se chargeait d'énergie.

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Luc comprit que la détresse de la maman et ensuite de l'enfant avait réveillé quelque chose en lui et, finalement, que le cri d'effroi de l'otage balloté dans les airs avait emballé le processus, un processus que plus rien ni personne ne pourrait arrêter, que la suite ne dépendait plus de lui. 

Luc ne comprenait pas, ou plutôt..., avait peur de comprendre ce qui se passait en lui.                              

Tag(s) : #Stars Knights Legend Époque 1 LE COMMENCEMENT
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